18 novembre 2006

Antoine BÉCLÈRE

Le père de la radiologie médicale…


Il naît le 17 mars 1856 à Paris. Son père est médecin généraliste. Son adolescence est troublée par la chute du Second Empire avec notamment les violences du siège de Paris et de la Commune. A l’issue d’une excellente scolarité au lycée impérial Bonaparte (débaptisé en octobre 1870 et désormais dénommé Condorcet), il hésite à se lancer dans les grandes écoles ou à préparer l’École Normale. Par admiration pour son père, il opte finalement pour les études de médecine. Il est nommé Externe en 1875, puis Interne en 1877. Il sous-colle, entre autres, avec Anatole Chauffard et Arnold Netter. Il est enfin nommé Médecin des Hôpitaux de Paris en 1893 et prend la direction d’un service de Médecine Générale de l’Hôpital Tenon. Sa carrière semble toute tracée mais un événement inattendu va le bouleverser et lui permettre d’entrer en scène...

Un soir de l’automne 1895, en novembre exactement, un physicien allemand, Wilhelm Conrad Röntgen, né en 1845, établi en Bavière, fait, par hasard, dans son modeste laboratoire de l’institut de physique de l’Université de Würzbourg une étrange découverte. Lors d’une expérience, il est fortuitement intrigué par un scintillement qui survient sur un écran enduit de platino-cyanure de baryum chaque fois qu’il fait passer un courant de haute tension dans un tube de verre de Crookes. Il a le trait de génie de penser que ce scintillement provoqué n’est pas la conséquence directe des rayons cathodiques produits par le tube de Crookes mais le fait d’un autre rayonnement, invisible, qui s’en échappe. Il interpose alors divers objets entre le tube cathodique et l'écran luminescent : une feuille de papier, un livre, son porte-monnaie, sa main… et ce sont ses os qui apparaissent ! Il comprend alors qu’il a découvert un rayonnement capable de traverser des milieux opaques et d’en donner une image sur une plaque photographique. Ce rayonnement mystérieux étant encore inconnu, il l’appelle « rayons X ». La diffusion de cette prodigieuse découverte va alors être rapide. Le cliché de la main gauche de la femme de Röntgen portant vertueusement son alliance fait le tour de l’Europe. Le monde découvre que l’on peut désormais visualiser l'intérieur du corps humain. L’engouement est sans précédent. Les rayons X deviennent un divertissement de salon ou de fête foraine : pour quelques francs, on peut voir le squelette de sa main… Certains puritains s’inquiètent de l’utilisation de tels rayons pénétrants dans les lorgnettes de théâtre… Cependant, si cette découverte est l’une des plus grandes conquêtes scientifiques du XIXème siècle, c’est dans ses applications médicales qu’elle aura le plus d’impact. Du reste, cette énorme avancée scientifique permettra à Röntgen de devenir le premier lauréat du prix Nobel de physique le 10 décembre 1901.


En France, des camarades d’internat d’Antoine Béclère, Paul Oudin et Toussaint Barthélemy, fournissent au mathématicien Henri Poincaré les premiers « radiogrammes » français qui sont présentés à l’Académie des Sciences le 20 janvier 1896. Quelques jours plus tard, le dermatologue Alfred Fournier fait une présentation identique à l’Académie de Médecine. Un chirurgien lyonnais, Etienne Destot, très intéressé par les applications médicales de l’électricité, présente à son tour, en février 1896, à la Société des Sciences Médicales de Lyon, ses clichés. En juin 1896, le chirurgien Jules-Emile Péan présente à l’Académie de Médecine des radiographies d’ostéomyélite du doigt et de fractures de l’avant-bras. La « Radiologie » vient de naître. Antoine Béclère en pressent immédiatement les immenses potentialités : « cette voie m’apparut comme le chemin de la Terre Promise ». Et il va consacrer toute son énergie à lui donner ses lettres de noblesse.

Dès 1897, il installe à ses frais dans son service de l’Hôpital Tenon un appareil de radioscopie. Il crée ainsi le premier service de radiologie de Paris. Il est cependant obligé d’utiliser des batteries car nous sommes en un temps où les hôpitaux ne sont pas encore reliés à un réseau de distribution électrique… Il est également obligé de développer les clichés à son domicile, dans une chambre noire qu’il a aménagée avec son épouse... Nommé à l’Hôpital Saint-Antoine en 1899, il y transporte son installation et poursuit activement la « médicalisation » des rayons X. Son esprit fécond et son activité inlassable lui permettent de perfectionner son matériel et d’établir les bases de la sémiologie en radiologie. Il met en place un enseignement spécifique de radiologie qui sera suivi par de nombreux médecins français et étrangers. Il participe à la rédaction du premier « Traité de Radiologie » publié en 1904 sous la direction du Professeur Charles Bouchard, titulaire de la chaire de Pathologie et Thérapeutique Générale. Il fonde la Société d’Électro-radiologie Médicale de Paris en 1908.


Outre l’apport diagnostique des rayons X, des perspectives thérapeutiques découlent de la constatation des lésions cutanées induites chez les premiers expérimentateurs de la radioscopie qui prolongeaient volontiers les temps de pose pour obtenir des images satisfaisantes. Par exemple, en juin 1897, Antoine Béclère présente un cliché de pyo-pneumothorax à la Société Médicale des Hôpitaux de Paris, cliché obtenu au prix de trente minutes d’irradiation soutenue ! Du reste, Jean Bernard gardera le souvenir d’Antoine Béclère aux séances de la Société médicale des Hôpitaux de Paris, toujours assis au premier rang et impeccablement ganté de gris pour masquer ses lésions de radiodermite et l’amputation de certains de ses doigts. Pire, entre 1896 et 1901, la Gazette des Tribunaux rapporte des condamnations de médecins responsables de radiodermites graves chez leurs malheureux patients. Quoiqu’il en soit, cela ne freine pas l’essor de la « radiothérapie » et, entre autres, Antoine Béclère cherche, dès 1910, à détruire une tumeur hypophysaire par ce nouveau traitement.

En 1914, il est promu Commandeur de la Légion d'Honneur. En 1921, il prend sa retraite de l’Assistance Publique mais poursuit son enseignement à la Fondation Curie. Sa renommée mondiale lui vaut d’être élu à l’Académie de Médecine et il en devient le président en 1928. Il est nommé Docteur honoris causa des Universités de Cologne et de Zurich, et membre d’honneur de l’American College of Radiology. En 1931, il préside le Congrès International de Radiologie qui se tient à Paris. En 1936, il inaugure un mémorial érigé à Hambourg à la mémoire des soignants victimes des rayons X.

Il meurt le 24 février 1939, à l’âge de 82 ans, à l’aube de la seconde guerre mondiale. Édouard Rist dira qu’il était « grand dans la noblesse de sa pensée, dans son génie inventif, (…) dans sa dignité incomparable et dans son désintéressement ». Un timbre postal à son effigie sera émis en 1957 et un Hôpital francilien porte désormais son nom.

1 Comments:

Anonymous Anonyme said...

hi, new to the site, thanks.

20:07

 

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